KARIMOVA Zhanna
Doctorant de la chaire de politologie et disciplines
socio-économiques auprès de l’Institut de Master et Doctorat
/PhD/ de l’Université Kazakhe Nationale Pédagogique d’Abaï
La
comparaison des politiques publiques du Kazakhstan et de la France concernant
l’égalité entre les
hommes et les femmes
Tout d’abord, prenant en
considération que le terme politique publique reviendra souvent
ultérieurement, il importe de l’apporter une définition. Il n’y a
toutefois pas de définition parfaitement consensuelle parmi les
spécialistes, même si celles qui sont proposées partagent
des traits communs. Ainsi, en nous référant à un petit
livret de Agnès van Zanten, dirons que, pour Yves Meny et Jean-Claude Thoening
(1989), une politique publique est un processus de travail qui participe
à la constitution et à la transformation d’un espace politique.
Elle comporte cinq traits : 1) un contenu, c’est-à-dire des
ressources mobilisées pour générer des résultats ou
des produits ; 2) un programme articulant les actes autour de quelques
axes spécifiques ; 3) une orientation normative, car les actes
satisfons des intérêts et son porteurs de valeurs ; 4) un
facteur de coercition car l’activité publique procède de la
nature autoritaire dont est investi l’acteur gouvernemental ; 5) un
ressort social dans la mesure où les actes ont pour d’agir sur des
segments spécifiques de la population. Pierre Muller et Yves Surel
(1998) définissent les politiques publiques comme des cadres normatifs
d’action qui combinent des éléments de puissance publique et des
éléments d’expertise et tendent vers la constitution d’ordres
locaux [1, P. 24-25]. C’est la dernière définition qui
nous semble plus proche au contexte dans lequel on va traiter les politiques
publiques de la France et du Kazakhstan à l’égard de
parité entre les hommes et les femmes.
L’égalité
entre les hommes et les femmes en France et au Kazakhstan est assuré par
leurs constitutions et les lois d’importance secondaire. Et pourtant, comme les
pays différents ils peuvent être d’avis aussi bien
différents à l’égard de son assurance. De ce point de vue
il semble bien fondé de faire un rappel rapide sur les démarches
des deux pays vers l’assurance de l’égalité entre les hommes et
les femmes.
En effet, analysant les dates les
plus importantes dans l’histoire des femmes
on peut voire que pendant longtemps les lois adoptées par le
gouvernement français ont été, dans une certaine mesure,
les mécanismes principales de génération des
inégalités entre hommes et femmes dans la vie quotidienne. Ainsi,
par exemple, en 1804 le Code civil a consacré l’incapacité
juridique totale de la femme mariée ; en 1892, il y a eu lieu
l’interdiction du travail de nuit pour les femmes. Mais il faut bien noter, que
les lois ratifiées dans le but de garantir l’égalité entre
les hommes et les femmes dans l’enseignement ont été
adopté un peu plus tôt que les autres. Ainsi, la première
loi consacrée à l’enseignement des filles a été
adopté à la fin du XIXe siècle. C’est en 1850,
que la loi Falloux rend obligatoire la création d’une école de
filles dans toute commune de plus de 800 habitants. Et en 1881, les lois Jules
Ferry instaurent l’enseignement primaire obligatoire, public et laïc,
ouvert aux filles comme aux garçons. En gros, on peut dire que le XIXe
siècle a basé le fondement général pour le
développement ultérieur de l’égalité entre les
hommes et les femmes.
Depuis le XXème
siècle, à l’époque où les hommes et les femmes sont
plus ou moins égaux et leurs inégalités ne se basent plus
ni sur la race, ni sur la naissance, on observe la présence des
inégalités étroitement liées au fonctionnement du
marché (les écarts de rémunération,
l’évolution de carrière etc.). Tels sont les constats
d’inégalités professionnelles aujourd’hui :
sur-représentées dans le chômage, les femmes, lorsqu’elles
travaillent, sont plus nombreuses que les hommes dans les formes d’emploi
précaire et dans les secteurs les moins porteurs ; elles sont aussi
moins bien rémunérées que les hommes, ont un
déroulement de carrière plus lent et ont moins facilement
accès que les hommes aux plus hautes fonctions. Vu cela, les efforts
entrepris sont concentrés sur l’assurance de l’égalité
professionnelle entre les hommes et les femmes.
Quant au Kazakhstan, c’est un
pays relativement jeune (il a été proclamé comme l’Etat
souverain en 1991). Vu cela, il est évident qu’il a entrepris les
démarches beaucoup plus timides que celles de la France envers la
garantie de l’égalité entre les hommes et les femmes dans tous
les domaines de la vie sociale. Et quand même, le Kazakhstan a fait de
certains progrès. Ainsi, le Kazakhstan est un membre des 60
traités internationaux sur le droit de l’homme et notamment, de
Convention sur liquidation de toutes les formes de discrimination à
l’égard des femmes. Il a créé la Comission Nationale sur
les affaires de la famille et des femmes auprès du Président de
la République (Noursoultane Nazarbaïev). Pendant les
premières années de l’indépendance le gouvernement a
préparé le Plan d’action sur l’amélioration de la situation
des femmes et la Conception de la politique de genre de la République du
Kazakhstan. Egalement, dans le Parlement il y a été
créé un groupe de députés « La Famille »
(Îòáàñû) qui s'occupe des
problèmes concernant la famille et des femmes-mères. Les lois sur
« les droits et possibilités égaux des hommes et des
femmes » sont en train d’être ratifiées. En gros, des
progrès incontestables ont été réalisés mais
il reste des défis à relever. Examinons ce que a
été fait en France et au Kazakhstan au niveau des politiques
publiques dans le but de favoriser la cohérence entre l’enseignement et
le travail des femmes.
D’après les
documents normatifs des deux pays l'égalité des filles et des
garçons constitue pour l'Éducation nationale une obligation
légale et une mission fondamentale. Néanmoins, les
réformes réalisées auparavant dans les deux pays dans le
but de favoriser la parité des hommes et des femmes dans l’enseignement
ne recouvre pas pour autant une situation d’égalité entre les
deux sexes. Trop de disparités subsistent dans les parcours scolaires
des filles et des garçons. Ainsi, les filles de deux pays restent
très nombreuses en lettres et sciences sociales. Par exemple, en
économique et social les filles comptent 64,6% des effectifs en France
et 70% des effectifs au Kazakhstan. De plus, dans tous les deux pays on observe
les éléments de ségrégation verticale. Ainsi, en
2003, les filles en France ont faiblement progressé dans les
filières d’excellence (C.P.G.E. scientifique). Elles ont même
regressé dans les concours les plus prestigieux (Polytechnique,
filières scientifiques des écoles normales supérieures) au
point que l’on a été jusqu’à évoquer une remise en
cause de la mixité des concours. Quant aux filles kazakhstanaises, elles
forment l’immense majorité des effectifs de collèges techniques
menant aux carrières d’ingénieurs et considérés
comme plus prestigieux que ceux menant aux carrières sanitaires et
sociales.
En dépit de
l’augmentation continue du taux de l’accès des femmes à
l’enseignement supérieur et leur meilleure réussite scolaire, le
diplôme de fin d’études n’est pas de même valeur pour eux
dans le marché du travail. Ainsi, aujourd’hui, les femmes de tous les
deux pays restent relativement moins représentées dans le
marché du travail, moins payées. Egalement, elles se heurtent
plus souvent au « plafond de verre » ou au « plancher
collant ». Vu ce paradoxe, examinons les efforts entrepris dans les deux
pays au niveau des politiques publiques institutionnelles orientées vers
la résolution de ce problème.
L’égalité
professionnelle entre les hommes et les femmes est un principe consacré
par droit international et le droit constitutionnel, érigé au
rang de droit fondamental par le traité d’Amsterdam. Ainsi, le traité
d’Amsterdam du 27 octobre 1997 a fait entrer dans le champ des
compétences communautaires, par son article 13, la lutte contre les
discriminations pour les motifs de sexe, de race ou d’origine ethnique, de
religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle [2]. En France, il y a une
suite des lois contribuant à l’égalité professionnelle
entre les hommes et les femmes. Ainsi, la loi du 13 juillet 1983, qui vise
à sanctionner les discriminations professionnelles et à garantire
l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, est
renforcée par la loi du 9 mai 2001 et par la loi du 23 mars 2006
relative à égalité salariale entre les hommes et les
femmes.
La loi du 13 juillet 1983
introduit un principe général de non-discrimination entre les
sexes dans tous les domaines concernant les relations du travail :
l’embauche, la promotion, la rémunération, l’affectation,la
qualification, la classification et la promotion. Elle prevoit la
possibilité de mettre en place des mesures temporaires prises au seul
bénéfice des femmes, visant à établir
l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en
particulier en remédiant aux inégalités de fait qui
affectent les chances des femmes.
La loi du 9 mai 2001 inscrit la
négociation collective au cœur du dispocitif permettant de
rechercher l’effectivité du principe d’égalité. Elle
crée une obligation de négociation sur l’égalité
professionnelle au sein de l’entreprise et introduit les "indicateurs
pertinents", des données chiffrées qui permettent de rendre
plus lisible la situation professionnelle des femmes et des hommes en
matière d’embauche, de formation, de promotion, de qualification, de
conditions de travail et de rémunération. Elle prévoit
aussi une aide financière de l’Etat pour soutenir des actions à
caractère exemplaire apportant une amélioration significative de
la place des femmes dans la branche professionnelle ou l’entreprise en
matière d’embauche, de formation, de promotion et d’organisation du
travail [3].
La loi du 23 mars 2006 relative
à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes
prévoit deux dispositifs de suppression des écarts de
rémunérations : un rattrapage salarial à l’issue du
congé de maternité ou adoption et l’obligation de négocier
la suppression des écarts de rémunération entre les hommes
et les femmes avant le 31 décembre 2010. L’obligation de négocier
s’applique au niveau de la branche professionnelle et de l’entreprise. Des
sanctions sont prévues à l’encontre des entreprises qui ne
négocient pas :
-
délit d’entrave au droit syndical
-
réfus d’enregistrement des autres accords relarifs aux salaires
-
à terme, perspective de l’application d’une contribution
financière.
Des dispositions sont également prises pour
reconcilier la maternité et l’emploi en supprimant les incidences de la
maternité sur l’évolution de carrière des femmes, pour
promouvoir l’accès des femmes aux postes de décision et pour
diversifier l’offre de formation professionnelle.
L’accord interprofessionnel sur
la mixité et l’égalité professionnelle entre les hommes et
les femmes du 1er mars 2004, signé par tous les partenaires
sociaux, incite les branches professionnelles et les entreprises à mener
des actions visant à faire évoluer les mentalités,
à favoriser l’orientation professionnelle des jeunes filles et la
mixité des métiers, à veiller à l’égal
accès des hommes et des femmes à l’emploi, à favoriser
l’accès des femmes à la formation professionnelle continue,
à la promotion et à la mobilité, et à appliquer
effectivement le principe de l’égalité salariale. En gros, telles
sont les mesures générales remédiant aux
inégalités professionnelle entre les hommes et les femmes en
France.
« La stratégie de
l’égalité de genre au Kazakhstan pour les années
2006-2016 » est un document principal dans le cadre duquel les mesures
pour favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes vont
s’effectuer. Dit autrement, à l’aide de la législation en
vigueur, cette stratégie à moyen terme définisse la voie
du développement du pays vers la parité entre les hommes et les
femmes.
Au niveau de renforcement de la
cohérence « formation-emploi », cette stratégie
prévoit la réalisation de démarches suivantes : se
joindre aux conventions de l’Organisation Internationale du Travail sur
« l’égalité des possibilités et des manières
de traitement des hommes et des femmes employés :
parents-salariés » et sur « les normes minimales de
l’assurance sociale » ; l’élaboration des mesures
orientées vers la réalisation des objectifs de millénaire et contribuant à la
compététivité des femmes dans le marché du travail (l’aide
dans l’enseignement et placement quel suit) ; soutien des
femmes-entrepreneurs (l’organisation des training psychologiques, des
séminaires contribuant à l’élévation des
compétences professionnelles des femmes etc.). En effet, on peut
continuer infiniment.
Il est essentiel de dire
qu’aujourd’hui l’élaboration de la stratégie d’actions,
l’adoption des lois ne sont pas tout à fait capables à renforcer
la cohérence de la formation et de l’emploi des femmes dans le but de
garantir l’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Ainsi
les lois adoptées par l’Etat français, le gouvernement
soviétique et peu après kazakhstanais jusqu’au présent,
très souvent, elles suscitaient, au contraire, les inégalités
sexuées entre hommes et femmes au niveau des formations de
l’enseignement supérieur et par conséquent
l’inégalité professionnelle entre les deux sexes. De la sorte,
à l’image des certains chercheurs, la politique de la mixité de
l’enseignement en France a produit les effets contradictoires sur
l’accès des filles à l’enseignement supérieur. Plus
particulièrement, elle a détourné les filles des
filières scientifiques. Quant aux politiques soviétiques
publiques, elles ont garanti à l’époque l’égalité
entière des jeunes devant l’enseignement supérieur. Grâce aux
politiques du gouvernement soviétique les jeunes issus de milieu ouvrier
ont pu compter sur la bourse qui rendait possible des études aux
universités de Moscou, de Kiev considérées comme les plus
prestigieuses dans l’Union Soviétique. A première vue, il n’y a
aucune inégalité. Cependant, il est indispensable de tenir compte
des cas de falsification des statistiques, qui ont été
dénoncés dans les années après l’effondrement de
l’URRS. A l’image des certains chercheurs, l’inégalité
sexuée au niveau de l’enseignement supérieur soviétique
existait, mais pas de façon visible. Ainsi, les bourses de
l’enseignement supérieur pour les études dans les
universités prestigieuses ont été données de façon
préférencielle aux
garçons issus de milieu ouvrier. Autrement dit, la politique
éducative de l’URRS a fait face aux inégalités de classes
sociales que celles de sexes. Et de ce point de vue, il ne semble pas
étonnant, que les garçons titulaires d’un diplôme de ces
universités ont obtenu la position privilégiée dans le
marché du travail. Autrement dit, ils pouvaient compter sur un emploi
bien rémunéré et une ascension relativement rapide dans la
hiérarchie professionnelle. Les nouvelles lois du gouvernement
kazakhstanais sont à l’origine d’une inégalité entre
hommes et femmes à cause de la prise en charge de la maternité.
En effet selon la législation actuelle les employeurs sont les
responsables principaux de l’assurance sociale de la maternité. Dit
d’une manière grossière, les employeurs ne sont pas reticents
à engager les femmes compte tenu de ces conditions. Par
conséquent, les femmes rencontrent de nombreuses obstacles dans la
compétition du marché du travail restant
surreprésentées au chômage et sous-représentées
à la précarité.
Selon les parties
précédentes de ce travail, on sait que même les directives
nationales ont reconnu la nécessité de garantir
l’égalité entre hommes et femmes, au moins, au niveau de
l’enseignement supérieur, le choix de spécialités reste
encore différencié selon le sexe . Ainsi, les filles s’orientent
majoritairement vers les domaines de la santé et de l’éducation
considérés comme traditionnellement féminins, alors que
les garçons choisissent les spécialités
d’ingénieurs comprises comme masculines. Vu cela, il ne semble pas
étonnant que les femmes restent moins représentées dans le
marché du travail et relativement moins rémunérées.
Autrement dit, la présence de la haute ségrégation
sexuée au sein de l’université ne permet pas de compter sur
l’amélioration de la situation dans le marché du travail. Ainsi, nous venons de voir que les
politiques publiques produisent les égalités et à la fois
les inégalites entre hommes et femmes au niveau des formations de
l’enseignement supérieur et par conséquent dans la vie
professionnelle. Et il est permis de penser que ce sont les logiques
institutionnelles et subjectives qui peuvent mettre un peu de clarté sur
le paradoxe considéré. Ainsi, dans la dernière partie de
notre travail nous allons examiner l’impact des logiques institutionnelles et
subjectives.
Bibliographie :
1.
VAN ZANTEN Agnès Les
politiques d’éducation Que sais-je ? Paris : PUF, 2004. P.
24-25
2.
BERTHU Georges, SOUCHET Dominique Le
traité d’Amsterdam contre la démocratie : texte
intégral, comparé et commenté Paris : O.E.I.L., 1998
3.
Legifrance.fr La loi du 9 mai 2001